samedi 19 mai 2012

Destins croisés



Aujourd'hui est un bien triste jour pour les amateurs de football, qu'ils soient hommes de passion ou de raison, d'attaque à tout va ou de défense solide et solidaire. Car ce Chelsea qui l'a emporté, ce Chelsea-là insulte la mémoire de ces monuments italiens que sont l'Inter et la Nazionale, ces titans défensifs qu'étaient et sont Sacchi et Mourinho, le pauvre portugais voit un compatriote faire mieux qu'il n'a jamais pu avec les Blues, via une tactique misérable, qu'un enfant de 10 ans aurait pu réfuter sur le papier. Une chance insolente, une maladresse perpétuelle et coupable des bavarois a séparé le veule de son châtiment, pour l'élever au panthéon. Quant aux hommes de peu qui célèbrent Drogba, ceux-là même qui le condamnaient lorsqu'il hurlait, de désespoir "That's a fucking disgrace !", je ne les évoquerais pas davantage.

Entendez-moi bien : les bavarois ne méritaient pas davantage cette finale. A ce niveau de la compétition, ne pas savoir finir de manière convaincante est un vice passible de rouge au front. L'on a bien vu ce qu'il en a été avec Schweinsteiger. Sans doute les hôtes de la soirée ont-il fait preuve de suffisance, d'orgueil du favori dans un match leur étant promis. Rien n'est jamais facile, comme l'a si bien dit Milton Friedman, une telle chose qu'un repas gratuit n'existe pas. Car hormis cette frappe de Robben échouant sur le poteau de Cech, jamais les munichois n'ont véritablement manqué de réussite. Bien plus que cela, ils ont manqué de talent dans le dernier geste, de concentration, de cette chose qui sépare le champion de son vaincu, David de Goliath, le nain du géant. Le titan ici ne mérite que l'abysse du tartare pourtant.

Laissons là désormais ces cris du coeur, de haine pour un échec tactique devenu par chance victoire de prestige, et analysons les raisons qu'elle-même ne veut connaître.

J'avais prédit exactement la composition du Bayern, affirmant néanmoins que Van Buyten aurait du prévaloir sur Tymoschuk, pour avancer davantage Kroos. Au vu du match de l'ukrainien et de celui du belge entré en jeu, j'admets humblement qu'Heynckes vit plus juste. En revanche, les changements opérés en toute fin de match, alors que Müller vient de célébrer sa réussite, me semblent aberrants. L'allemand était le meilleur joueur sur le terrain, et nul doute qu'il aurait pu peser, y compris lors de la séance de tirs au but. Car si Olic n'échoue pas, je pense que le trophée serait allé au Bayern.

Côté Chelsea, en revanche, que d'errements, tactiquement, au vu de la prestation indigeste offerte par cette équipe. Qu'une équipe joue le contre, patiemment, et soit dominée, soit. Mais que cela soit fait dans les règles de l'art qu'est la maîtrise du jeu adverse. Ainsi, ne pas s'appuyer sur ce titan destructeur-relanceur qu'est Essien est une hérésie, et à de nombreuses reprises Müller et Kroos, qui auraient été dans sa zone, ont pu calmement assurer leurs passes aux 30 mètres adverses. Mikel, clairement plus avancé, moins formé au marquage strict, fut bon dans son rôle habituel, insuffisant étant donné l'enjeu. Bien souvent les milieux blues furent trompés dans leur dos. Et lorsqu'ils s'avancèrent pour intercepter, les ballons passant les mailles permirent à Robben et Ribéry de percer, systématiquement, avalant l'espace laissé libre avant de défier aux abords de la surface leurs vis-a-vis bien pâles. Purs individualistes, ils ne centrèrent pas souvent, mais se procurèrent des occasions par et pour eux-mêmes. Le but munichois, incidemment, vient d'une des rares centres au second poteau...

En somme, lorsqu'une mauvaise attaque rencontre une piètre défense, le résultat est un goût d'inachevé, âpre, de bile qu'il faudra pourtant digérer coûte que coûte, l'histoire du retour des choses pour un club maudit jusqu'alors en Ligue des Champions, durant sa courte quête du trophée, de Moscou à Barcelone pour enfin "briller" à Munich, d'une séance de tirs au but perdue par Terry et Anelka à cette victoire soufflée à Neuer et Schweinsteiger. L'écume pourtant engloutira ce souvenir, et les larmes salées qui coulent dans nos coeurs sècheront et cicatriseront, car, il faut s'en convaincre, le talent l'emporte plus souvent qu'à son tour. Qu'il soit, encore une fois, le joga bonito, le toqué, le catenaccio ou le kick and rush. Toute tactique, toute approche a ses mérites, ses richesses. Si encore ses fondamentaux sont respectés. Sous peine de voir des tâcherons comme ce soir devenir rois...

Un mot sur Drogba. Si ce joueur venait à récolter un trophée individuel quelconque, cela serait insulter Diego Milito non nominé au Ballon d'Or après son doublé en finale contre ce même Bayern, et ce Zidane de 2002 coupable de son humeur. Car l'ivoirien n'est pas un grand joueur, loin s'en faut. Un grand joueur n'est pas un chasseur de buts à la petite semaine distribuant les coups comme le diable les piques, il est aussi intègre, correct avec sa sélection, et surtout décisif à tout instant, sans tricher, avec honneur et courage. Ce joueur qui se roule dans la bout au moindre contact malgré son mètre 90 et 80 kilos, ce colosse pleurnicheur et parfois bien violent n'est pas de ceux-là. Il est un pleutre sans morale autre que la sienne, un Valbuena du milliardaire qu'est Abramovich, dont l'admiration française est issue à la fois de sa brève période marseillaise et d'une inspiration post-coloniale nauséabonde pour les ivoiriens. Je n'irai pas plus avant concernant cet homme.

Il semblerait par ailleurs que la blessure de Ribéry ne soit pas incapacitante à long terme. Hélas, dix de der et dame fortune, vous auriez pu m'offrir cela...


Saint-Louis aura sacré Hikaru Nakamura, expéditif face au pauvre Seirawan, dans une Française bien étrange avec 2-f4 et un développement peu évident. Au final, une trentaine de coups auront suffit à garantir le titre au Samouraï, quand Kamsky bataillait encore Hess pour, sans regrets, concéder un ultime demi-point. Avec un point d'avance, Nakamura a démontré sa force supérieure Outre-Atlantique, flirtant avec la sixième place mondiale de Teimour Radjabov. C'est amplement mérité pour ce joueur ultra-combatif et toujours inspiré, bien que, semblerait-il, jamais satisfait. Qu'on se le dise, c'est la marque des grands !

Chez les femmes, un match de départage demain sera nécessaire entre Irina Krush et Anna Zatonskih, suite à leurs victoires respectives. L'occasion avec le déroulement du championnat de France féminin de parties rapides de faire un petit pamphlet sur le concept même d'échecs féminins. Comme vous vous en doutez, je ne saurais m'en priver...polémique tentatrice, femme fatale du journaliste, quand tu nous tiens !

En attendant demain, portez-vous bien !

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